LA PETITE HISTOIRE DU CANAL DE SAINT TRONC
Cet article est un passage du livre Les enfants de la colline à paraître prochainement



Le canal de Marseille – Introduction
Depuis la moitié du XIX ème siècle, ce chef d’oeuvre d’ingénierie, réalisé sous la houlette de Franz Mayor de Montricher, serpente au son des cigales et redistribue généreusement les eaux de la Durance vers l’aval. Indispensable souce de vie, il irrigue la vie des Marseillais depuis 1849.
Ce petit ruban bleu salvateur s’est imposé au fil du temps comme la clé de l’équilibre, de l’essor agricole de nos campagnes et Il fut pendant longtemps l’unique apport en eau pour le terroir et ses habitants. Si son arrivée inespérée modifia considérablement les conditions de vie des populations, c’est bien au delà de la prouesse technique qu’il faut a présent le considérer.
En effet. le canal est entré dans l’inconscient collectif Marseillais. il fait partie de notre histoire, de notre culture. Son invention, sa création technique et architecturale furent une incontestable performance et une bénédiction pour la terre des paysans et il a profondément modifié la topographie et la sociologie de Marseille et de ses alentours.
C’est ainsi qu’à Saint Tronc, l’arrivée de l’eau du canal autorisa un développement économique nouveau. C’est ainsi qu’apparurent à partir de la deuxième moitié du 19e siècle des cultures nouvelles, de nombreuses fermes et laiteries. Des hommes de la terre avisés profitetèrent habilement de cette mane nouvelle pour développer leurs activités agricoles.
Dans le même temps. l’aristocratie et de la haute bourgeoisie Marseillaise venue du centre-ville investit massivement ce coin du terroir situé idéalement sur les contreforts de Sainte-Croix.
De majestueuse bastides furent bâties alentours : La Gauloise, Bois Fleuri, le château des Roches, Sainte Emilie-des-tilleuls : Toutes ces demeures à l’ombre des platanes Marseillais sont contemporaines de la création du canal. Si le cinéma de Pagnol l’a largement sublimé et immortalisé, il est temps également a notre tour de lui rendre hommage.

Le canal fut couvert en 1987
le canal de Marseille et Saint Tronc
Si les aspects techniques du canal présentent un incontestable intérêt, la mémoire locale a totalement oublié la fonction. Lorsque que nous sommes arrivés dans les années 1970, rares étaient les anciens qui pouvaient le décrire , le raconter.
Enfant, nous n’avons jamais rien su de lui. Ni d’où il venait ni où il allait. Il était là, sous nos yeux : discret, généreux, muet de sa destinée et pourtant intarissable.
Ce n’est qu’à l’âge adulte où , curieux de son histoire, je découvris sa beauté et sa puissance passée.
Castelroc en haut , l’ancien bassin en bas à gauche
Caché de façon honteuse à la vue des hommes, l’homme moderne a voulu bétonner sa mémoire comme pour écraser son pouvoir ancien et notre absolue dépendance à ses largesses. Banni aux yeux de la population par les exigences nouvelles, il a été bien injustement relégué vers l’oubli.

Mon frère et moi devant le bassin de rétention 1976
En imitant son indolence, j’ai choisi d’écrire ce passage au fil de l’eau et par étapes. Au grès de mon inspiration et de ma disponibilité, je suivrai avec poésie dans ma mémoire, les aventures et méandres d’un petit canal situé aux confins du quartier Saint Tronc, au pied de la colline de Sainte-Croix.
Sans m’ étendre ni épiloguer sur les aspects techniques que d’ailleurs je ne maîtrise pas., j’envisage plutôt d’entrer par la petite porte de l’histoire et ainsi partager avec nostalgie sa présence dans nos jeux d’enfants.
J’ai choisis d’évoquer le canal sous un angle subjectif et personnel. Non tel qu’il fut mais tel que nous l’avons décodé dans les années 1970-80 et comment nous avons composé avec cet élément de béton et d’eau qui a traversé nos jeux et nos vies d’enfants.

La forêt devant les immeubles de Castelroc 1987
Prologue
À l’aube de mes huit ans, mes parents avaient décidé de nous offrir un cadre de vie plus champêtre et plus serein.
Nous habitions alors Sainte-Marguerite à proximité du parc Dromel. Le quartier avait connu un développement extraordinaire et partout le béton avait recouvert les anciennes terres agricoles. Le peu de verdure disponible ainsi que les nuisances sonores avaient fini par nous convaincre de la nécessité de trouver de nouveaux horizons plus calmes et plus propices à l’épanouissement de l’enfance.
Je n’ai aucun souvenir des éléments suivants. C’est mon père qui me les a raconté

1951 – Le canal serpente encore a ciel ouvert
Un soir d’été 1973, au retour de la plage des Lecques où nous allions parfois le dimanche, mon père mu par une intuition étonnante ou par le hasard se trompa pas de chemin. Au lieu d’emprunter la route traditionnelle qu’il connaissait par cœur, il biffurqua sur la gauche à la hauteur du lycée Perrin. En suivant la petite traverse, mon père certain de s’être trompé était sur le point de faire demi-tour. À cette époque à l’entrée de la résidence Sainte-Croix existait encore une bâtisse d’une vingtaine de mètres de long à la destination imprécise.
Abandonnée par la population qui avait oublié son existence et son passé, cette misérable masure semblait perdue au milieu de ce quartier à l’élan nouveau. Pourtant idéalement placée sur le chemin de Saint Tronc à Saint-Loup, celle-ci permettait l’affichage sauvage.
C’est sur ce bâtiment immémorial déchu, maltraité par la société de consommation qu’était cloué maladroitement un panneau de bois avec une inscription semblant indiquer une direction . L’on pouvait lire dessus : Les Hauts de Castelroc.

La masure 1974
Les choses auraient pu en rester là mais la banalité de ces instants allaient croiser d’autres variables que certains pourraient qualifier de destin et permettre leur immortalisation dans ma mémoire. Intrigués, mes parents décidèrent ce jour-là de revenir ultérieurement pour explorer plus avant cette ligne symbolique qui semblait nous indiquer le chemin.
Ce fut pour nous le premier contact avec un futur qui se dessinait déjà sous nos yeux.
Quelques mois plus tard, pris par leur quotidien mes parents avait oublié cette séquence. Pourtant, le hasard, de nouveau se manifesta de la manière la plus étonnante. Dans l’immeuble que nous habitions au début du boulevard de Sainte-Sainte-Marguerite en face de la poste nouvellement construite, mon père trouva un jour dans sa boîte aux lettres une publicité. qui allait infléchir notre destinée familiale. Cette plaquette vantant les mérites d’une nouvelle résidence tout confort à la campagne et vue mer, je la possède encore. Richement illustrée, elle se présentait sous un format A4 . Séduits mes parents firent immédiatement le rapprochement et ils décidèrent de visiter l’appartement témoin le plus tôt possible.
C’est fièrement que le dimanche suivant au volant d’une Simca 1100 blanche, mon père chemina allègrement jusqu’aux confins du dixième arrondissement dans le quartier saint Tronc .
Nous avions roulé depuis Sainte Marguerite pendant une quinzaine de minutes jusqu’à un carrefour d’où se croisaient deux traverses sorties du siècle dernier et qui se croisaient à peu près perpendiculairement.
Le quartier d’alors présentait un aspect bien différent. J’ai le souvenir de ruelles étroites bordées de murs. Sur la gauche la toute nouvelle résidence Bois Fleuri ouvrait les yeux et déjà accueillait ses nouveaux propriétaires.

Au premier plan le château des Roches 1945 ( Castelroc ) en contrebas le canal qui traverse d’est en ouest vers l’aval
Sur sa droite, une ancienne traverse encore peu carrossable descendait vers l’est. L’actuel rond-point Audoli n’existait pas encore et sur la droite les résidences Sainte-Croix et les Roches venaient de sortir de terre.
L’accès à castelroc Haut se faisait encore par l’intérieur des copropriétés. À l’issue d’une ascension mémorable, nous arrivâmes au pied de la Roche blanche de Sainte-Croix, deux immeubles de plus de dix étages s’élançaient vers le ciel.
Je conserve dans ma mémoire un souvenir très net de ses premiers instants avec les collines, les pins et la vue sur la mer.
Nous fûmes, mon frère et moi, enchantés de ce premier contact avec la nature intacte héritée des anciens. Un après, nous emménagions dans le nouvel appartement du Taoumé à Castelroc haut…

Castelroc haut
A SUIVRE – Saint Tronc 1976

Par Rémy Alacchi
Carte IGN – Multicarto
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