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LA CARRIÈRE DE PIERRE OUBLIEE DE CASTELROC

C’est un stade ça a toujours été un stade ” 

Voilà ce qu’un ancien m’avait répondu dans les années 80 lorsque j’avais naïvement interrogé sur le passé de cet espace ludique pompeusement dénommé stade. Je n’avais guère depuis ré -interrogé cette assertion

En 2020, après le confinement alors que j’explorais les lieux avec mes filles et mon épouse. Celle-ci qui ne connaissait pas le lieu me fait la judicieuse remarque suivante.

  • Mais comment se fait-il qu’il y ait eu un stade ici ?
  • Parce que le terrain était plane lui répondit – je 
  • Comment ce terrain peut-il être plat alors que tous les terrains environnants sont soumis à une forte déclivité ?

Cette remarque d’une certaine évidence me laissa perplexe

Nous étions au milieu du stade, elle rajouta : 

  • D’ailleurs,  regarde le pan de la colline , il a l’air d’avoir été coupé
  • Le pan de la colline coupée ? mais c’est impossible
  • Regarde bien, me dit-elle

C’était incontestable, en effet : un pan de colline était coupé.

Le pan de colline sur le stade

J’avais passé toute mon enfance à cet endroit et je n’avais jamais regardé ni même vu ce point précis. Pire. je ne m’étais même jamais posé la question.

Il est évident que la pente depuis le mont Sainte-Croix jusqu’au canal suit à peu près le même angle, étonnant qu’à cet endroit précis la colline soit coupée quasiment à angle droit

Il était évident également que l’aspect plane du stade de castelroc n’était pas dû au hasard de la nature.

En fouillant dans mes souvenirs, il me semblait avoir vu une photo de 1961 sur laquelle nous voyons distinctement les cages de foot ainsi qu’un éducateur en soutane de la B Fouque. Ce souvenir avait dû se positionner en écran sur mon discernement .

Le stade – années 60

Alors que nous réfléchissons avec Céline, mon épouse tels deux archéologues, sur un terrain de fouilles, un détail ressurgit soudain des profondeurs de mon subconscient.

Ça fait longtemps que je m’intéresse à l’histoire du quartier et j’avais eu la chance de rencontrer en 2003 et d’interviewer un ancien soldat allemand qui avait combattu dans les collines et dans le bunker de Saint Tronc en 1944.

Je l’avais complètement oublié mais celui-ci m’avait raconté que les officiers allemands stockaient du carburant sur un espace à l’écart du château..

Alors que je racontais cette rencontre exceptionnelle à mon épouse les souvenirs me revenaient peu à peu. J’ai rencontré le soldat Seeger à son domicile en 2004, Très impressionné, je n’avais pas eu la présence d’esprit, d’emporter un dictaphone. Peu doué dans la prise de notes, beaucoup de ses propos m’ont échappé dans l’entretien.

En 2004, je n’avais prêté aucune attention à ce détail car cela ne m’intéressait pas, mais ce jour de mars 2020, je fis le lien dans mon esprit

Si l’on part du principe que tous les terrains sont en pente depuis le sommet de Sainte-Croix. Pourquoi ce terrain précis n’était-il pas dévolu à l’agriculture et pourquoi était-il plat ?

Pour ceux ou celles qui connaissent l’endroit, il paraît peu probable que cette surface fusse plane du simple fait d’une géologie singulière.

Était-il possible que les Allemands aient pu terrasser et uniformiser le terrain afin de positionner de façon sécurisée leurs cuves d’essence ? Oui bien sûr, sans aucune difficulté car ils avaient à leur disposition le STO. Quelle œuvre titanesque, ceci dit.

L’on pourrait me faire remarquer qu’un peu plus loin sur la droite, le château a été construit sur une surface plane et sablonneuse, donc plus facile à aménager. Nous voyons très bien sur la photo ci-dessous qu’un petit espace a été aménagé dans la forêt de chênes et de pins pour la construction du château. L’on peut aisément imaginer un terrassement.

A contrario , le stade est sur une surface plus large et surtout calcaire donc très difficile à aménager. Je vois pas comment le le STO ait pu terrasser quoi que ce soit sur cet espace en 1942

Non, décidément ça ne tient pas il doit y avoir une autre explication.

Le Château castelroc 1950

Par conséquent, oublions la thèse des Allemands car si je suis certain que des stocks d’essence aient existé à proximité du château,  je n’ai aucun élément qui puisse corroborer cette hypothèse

Le mystère reste entier, il demeure cependant une deuxième hypothèse. 

J’ai à ma disposition des photos aériennes prises à cet endroit dans les années 50.

Sur le cliché noir et blanc, l’on distingue parfaitement le château, les chemins qui conduisent vers le canal ainsi que les champs environnants cultivés.  Je me suis d’ailleurs amusé à coloriser la photo pour gagner en netteté ( ci – dessous )

Château Castelroc en haut à droite et le stade en bas à gauche

Cheminons dans notre réflexion et utilisons les documents à notre disposition avec cette autre photo plus nette ci- dessous. L’on remarque en bordure de colline en bas à gauche, un espace blanchâtre que l’on pourrait difficilement qualifier de stade tant l’espace apparaît chaotique et calcaire. Les terrains environnants, sont tous cultivés et /ou envahis par la végétation. Seule le stade semble une friche informe. Cela semble plutôt une ancienne carrière en souffrance. N’oublions pas que la pierre calcaire était très recherchée pour la Chaux. Nous connaissons d’ailleurs l’existence de four à chaux à proximité de Vallon Toulouse sur l’actuelle carrière Perasso.

Continuons nos inférences. nous allons poser nos hypothèses en incluant toutes les variables.

 Au vu de la déclivité du sol à cet endroit, il est peu probable

  • Qu’un espace de cette dimension soit d’une telle planitude.
  • Autre donnée de taille ( si j’ose dire ) Que s’est-il donc passé à cet endroit pour qu’un pan entier de la colline apparaisse à angle droit ( photos ci-dessous ) On très bien sur la photo que la pierre a été taillée dans le sens de la largeur de façon oblique

 Posons les possibles :

  •  Soit un éboulement naturel ou effondrement d’une partie de la colline à cet endroit
  • Soit une action humaine. S’agit il d’un travail patient et progressif ou d’un travail de sape ( dynamite )   ?

Seul un ( e ) géologue ou un( e ) archéologue pourrait répondre à ces question. Pour l’heure nos interrogations vont donc rester en suspens.

J’insiste sur ce point , en observant de près, ce pan coupé de colline, l’on a franchement l’impression que celui-ci a été travaillé par la main de l’homme.

Récapitulons : si l’aspect à angle droit de la colline n’est pas naturel, c’est donc qu’il est l’œuvre de l’homme.

Question d’importance, qui ? Et à quelle époque cela a-t-il été effectué ? 

Hypothèse 1 : Les Allemands ont dynamité un pan de la colline pour aménager un espace plane pour entreposer leur stocks de munitions ou d’essence et ce pour des raisons géostratégiques majeures. Peu probable en vérité.

Hypothèse 2 : Ces travaux d’extraction de la roche sont plus anciens. Mais alors , pourquoi les hommes à cet endroit auraient-ils eu besoin de tant de pierre ?

Pour construire des  habitations ? Pour la construction du château qui remonte à la première partie du XIX ème ?  

Il existe une autre possibilité. Et ce n’est qu’en recoupant patiemment les morceaux du puzzle que j’en arrive à cette hypothèse. 

Nous savons, car cela a déjà été évoqué par  les historiens du siècle dernier ( Alfred Saurel et l’ Abbé Cayol ) qu’il existait au sommet de la colline une chapelle très ancienne . Nous savons également, qu’un chemin de procession avait été bâti pierre par pierre pour permettre l’ascension de l’évêque à dos d’âne au sommet de la colline. 

Ce chemin constitué de grosses pierres polies, je l’ai moi-même connu, il était encore tout à fait visible au milieu des années 80. Ces pierres étaient tellement usées par les passages successifs que l’on pouvait sans difficulté en imaginer l’ancienneté. 

Le chemin demarrait à proximité du pont sur le canal, il montait en pente douce vers le stade. Il ne restait que des vestiges de ci de la mais l’on pouvait aisément imaginer la largeur de cette route pavée. Impossible de chiffrer, je ferai une erreur mais je puis affirmer que là le besoin en  pierre a dû être extraordinaire.

la photo du dessous issu d’un plan trouvé par hasard dans une cave date des années 1980. En zoomant suffisamment la photo, l’on aperçoit en contrebas du stade le fameux sentier de pierre polies.

La Chapelle Sainte Croix

Des vestiges sont d’ailleurs encore visibles dans la colline. 

vestiges de la rampe

Je continue mes recherches et je ne désespère pas d’affiner mes hypothèses

Si nous pouvons sans effort imaginer que la chapelle, dont les vestiges etaient encore visibles au 19e siècle, ait été bâtie par des pierres trouvées sur place au sommet, il n’en est pas de même pour la rampe d’accès.

J’en arrive à une forte intuition que le pan de colline a été utilisé par les moines de Saint-Victor pour la construction de la rampe d’accès qui devait conduire au sommet de la colline. 

Il n’est donc pas impossible qu’à l’endroit du stade actuel , nous ayons eu, au cours des âges, une carrière utilisée par les hommes pour l’expression de leur croyance et de leur foi. 

Enfin et nous touchons là au mythe car nous n’avons que peu de documents l’attestant. Si comme le précisait en 1866, l’abbé Cayol, un monastère a bien existé à Saint-Tronc , où donc les moines ont-ils trouvé les matériaux nécessaires à l’édification d’un tel bâtiment?

A suivre ….

Rémy Alacchi – Tous droits réservés – octobre 2022

Sources :

La Chapelle Sainte Croix , Rémy Alacchi er Pierre Bonneil, Journal CIQ Saint Tronc, 1998

Rencontre avec le soldat S , Rémy Alacchi , Journal CIQ Saint Tronc, 2005

Histoire du quartier Saint Tronc , Le Val des Pins. Remy Alacchi, Sainttronc .com, 2021

Alfred Saurel, la banlieue de Marseille édition Jeanne Lafitte, 1995

Histoire du quartier de Saint-Loup Banlieue de Marseille, JJ Cayol, 1866

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